The question is: si je rencontre le PDG, qu'est ce que je lui dis? "Good morning Mr. Goodnight"?
"Equilibre Corp." - (suite) - Obligation égale Responsabilité Par une après midi d'été, Kathy Passarella est assise à la cafétéria principale de SAS. La pièce est spacieuse et fréquentée; un pianiste joue en live en arrière plan. La foule est si jeune et habillée de manière si informelle que l'endroit ressemble plus à un campus d'université qu'à celui d'une entreprise. Passarella, 42 ans, n'est pas naïve quand on parle "travail". Elle a travaillé chez SAS pendant un an et demi, formant de nouveaux employés du département Recherche & Développement aux compétences informatiques. Dans l'un de ses précédents jobs, elle travaillait pour Bell Labs, à Piscataway, dans le New Jersey. Elle fait le lien entre l'approche de SAS concernant les avantages et la performance des individus qui en bénéficient. "On vous donne la liberté, la flexibilité et les moyens de faire votre boulot. Et parce qu'on vous traite bien, vous traitez bien la compagnie en retour." Elle fait alors une remarque fascinante, une remarque que peut être seul quelqu'un d'extérieur à l'entreprise pourrait trouver intéressante: "Quand vous traversez les couloirs ici", dit-elle, "il est rare que vous entendiez les gens parler d'autre chose que du travail." Le cadre informel chez SAS peut être trompeur. Il n'y a rien de laxiste dans la société -- ou concernant ses produits, son éthique de travail, ses standards. C'est une compagnie construite sur la responsabilisation: SAS est gérée légèrement, mais pas à la légère. Depuis son ordinateur, Goodnight peut vérifier le détail des ventes et les informations concernant la performance; il peut tracer les données d'appels au support technique, qui sont triés par produit et temps de résolution du problème; il peut monitorer les rapports d'anomalies dans les nouveaux logiciels, notant la vitesse à laquelle les testeurs et développeurs éliminent les erreurs sur les produits destinés à être distribués. Le sens de la responsabilité s'étend aussi à la documentation. Chaque manuel d'utilisation des produits SAS inclut les noms des développeurs et testeurs qui les ont créés ou mis à jour. (Essayez de trouver le nom d'un être humain dans un manuel de Microsoft Word.) D'une certaine manière, les copieux avantages offerts par SAS établissent un standard de performance sur lequel tout le reste est basé: c'est le niveau auquel SAS respecte ses employés, et c'est le niveau de respect que SAS attend en retour. Le sens de la responsabilité est tellement enraciné, et les lignes de reporting y sont tellement simples, que la compagnie n'a pas besoin d'un organigramme formel. En croissant, SAS tend à "s'élargir" -- engendrant de nouvelles divisions -- plutôt qu'à "s'agrandir". En effet, la société est si terriblement "plate" que sur le campus de Cary, un grand nombre des milliers d'employés de "première ligne" qui y travaillent -- du gardien aux développeurs ayant un doctorat -- sont juste à deux ou trois échelons de Jim Goodnight dans la hiérarchie d'entreprise. Larnell Lennon dit que ce qui l'a le plus surpris lorsqu'il est arrivé chez SAS -- en dehors du fait qu'il ait son propre bureau -- était la manière dont les managers occupaient leur temps. "Mon manager fait ce que je fais," dit Lennon. "Elle est dans les tranchées à écrir du code. Le docteur Goodnight [NDLR : dans beaucoup de pays, on appelle ceux qui possèdent un doctorat par leur titre, docteur] était autrefois dans le même groupe que moi. Dans mon job précédent, mon manager s'assurait simplement que tout soit fait. Ici, nous faisons tous celà." Xan Gregg, 33 ans, travaille dans le groupe de John Sall. Et Sall a plein de choses à dire "à propos des détails, de sa manière de coder," dit Gregg. "C'est tout à fait inhabituel pour un vice président. D'habitude, les managers ne sont pas très techniques." Sall, un incroyablement timide et milliardaire "non-assumé", dit qu'il se voit tout d'abord comme "un statisticien et un développeur de logiciels -- pas comme un businessman ou un manager." Rien n'entâche plus le respect entre un boss et un employé que le sentiment que le boss n'a aucune idée de ce que l'employé est en train de faire. Les managers qui comprennent le travail qu'ils supervisent peuvent s'assurer que les spécifications sont respectées. Chez SAS, les groupes se mettent d'accord sur des dates limites, et les managers comprennent ce que leurs groupes font -- ainsi, des promesses "irréalistement" optimistes concernant les plannings et délais de livraisons sont relativement rares. Bob Snyder, 45 ans, un développeur d'application qui a récemment été débauché de Texas Instruments, où il a travaillé sur les systèmes de guidage des bombes Paveway, dit, "Ici, je sais que tout ce que je fais a un impact sur le produit final. Ca vous donne le sentiment d'avoir des obligations à respecter pour vous assurer que les choses soient bien faites et en temps voulu. Dans la fabrique de bombes, vous envoyiez une lettre à quelqu'un disant 'J'ai gaffé'. Ici, une gaffe est une gaffe qu'on paye comptant." Bien sur, SAS est composée du commun des mortels, comme vous et moi. C'est un endroit où les livraisons de produits peuvent être retardées, où les quotas de ventes ne sont pas atteints, où des groupes sont "sous-staffés", où les gens se disputent sur le fond tout comme sur la forme. Une nouvelle recrue ronchonne que SAS est trop "family-friendly": "Il est difficile d'aller manger sans marcher sur la progéniture d'un collègue." Certains diront aussi que l'humeur chez SAS -- la gentillesse, la satisfaction -- peuvent se transformer en poil à gratter. L'endroit peut sembler un peu "trop parfait", comme si travailler là voulait dire abandonner une partie de sa personnalité. Les journalistes sceptiques ou les externes moqueurs ont parfois fait référence à SAS comme une "Stepford Corporation" [NDLR : non traduit, est ce une allusion culturelle?] -- un endroit avec une pépinière de cerveaux, où le boss vit (comme Goodnight le fait) dans un manoir adjacent au campus, et où votre ticket de cafétéria est automatiquement déduit de votre salaire. Vous ne devez peut être être pas votre salaire à la société, mais qu'en est-il de votre âme? Il y a deux problèmes avec cette interprétation. La première prend corps dans un individu du nom de Toby Trott, 45 ans, qui a travaillé pour SAS en tant que représentant du support technique pendant 14 ans. C'est un homme trapu, avec des cheveux hirsutes et une barbe hirsute. Il s'habille en short, chaussettes japonaises, et pour être à l'aise dans son bureau (équipé de machines Unix, Mac et Wintel [NDLR : contraction courante de Windows-Intel, des PC quoi!]), il porte des tongs à 1,98$. Avant d'arriver chez SAS, Trott a eu 15 jobs -- dans des endroits allant de l'usine à matelas jusqu'au laboratoire de recherche sur le cancer. Il ne cherche pas à savoir si l'herbe est plus verte ailleurs, parce qu'ailleurs, dit-il "ils m'obligeraient à me couper les cheveux." SAS est un endroit un peu plus "sain" que beaucoup d'endroits où il a travaillé par le passé. "On le rendrait délirant si on voulait que l'endroit soit encore plus sain. Il n'y a pas de répression ici: vous êtes libres de vous exprimer." Le deuxième, qui est d'une certaine manière plus percutant, répond à la critique de la "Stepford Corporation" par ceci: les gens qui travaillent chez SAS sont l'opposé de drones programmés. Dans la nouvelle économie, les personnes que SAS emploie sont les personnes les plus convoitées par une organisation. Ils sont les cerveaux, le talent; ils sont la source de croissance de toute compagnie recherchant la croissance. Aucun d'entre eux -- de Toby Trott, jusqu'à John Sall -- n'aurait le moindre problème pour trouver un job ailleurs. Le secteur de Raleigh est une sorte de Silicon Valley miniature. IBM y a plus d'employés dans le "Research Triangle" qu'elle n'en a nulle part ailleurs dans le monde. Nortel, Sprint, Glaxo-Wellcome, Unisys, Quintiles Transnational, Cisco -- vous n'avez même pas à quitter la ville pour travailler pour l'une de ces compagnies. Les gens qui travaillent chez SAS ont pris une décision bien consciente de rester là. Au delà du FUD Jim Goodnight n'est pas une personne qui se soucie tellement des critiques externes. Il vit de la manière dont il souhaite que ses employés vivent. Il rentre à la maison vers 17h00 (heure à laquelle les répondeurs automatiques de SAS se mettent en marchent, égrainant "SAS Insitute est fermée à cette heure..."). Il s'abstient de vérifier ses mails lorsqu'il est chez lui. Un homme mince, avec une carrure de joueur de basketball, Goodnight, à 55 ans, a un humour pinçant, qui peut très vite devenir tranchant, même avec ses employés. Il peut aussi exhiber inconsciemment un air de gamin de 19 ans, obsédé d'informatique, en particulier dans les situations publiques. Récemment, à la fin d'une longue journée de présentation de la compagnie à ses clients, Goodnight a pris la main et a fait faire à un auditorium rempli, le tour de son "bureau virtuel" -- le programme qu'il utilise pour sonder en profondeur la performance de chacun des aspects de SAS. Sans prévenir, il montre à la foule sa cachette personnel de jeux vidéos: tout d'abord, un blackjack, qu'il a créé des années auparavant pour son propre amusement; puis un tic-tac-toe; et un jeu de mots cachés qu'il complète à la vitesse de l'éclair. Il met au défi d'autres CEO [NDLR : c'est à dire Chief Executive Officer l'équivalent de PDG] de venir à Cary et de terminer le jeu plus vite que lui. Comment un gars excentrique comme Jim Goodnight arrive-t-il à diriger aussi bien une compagnie? En créant une organisation qui reflète ses forces, sans être entravée par ses faiblesses. SAS met énormément l'accent sur trois choses: les employés, les clients et les produits. Les employés et les clients, par exemple, font l'objet d'un sondage annuel. La compagnie affirme que 80% des suggestions d'amélioration de produit que les clients font le plus fréquemment se retrouvent au final dans le logiciel. SAS réinjecte 30% de ses revenus (oui, revenus et non profits), voire plus dans la Recherche & le Développement -- une proportion bien supérieure à celle de toute autre compagnie de sa taille. Goodnight parle maintenant de convertir une partie de SAS en actions -- peut être bien cette année. En partie, son but est d'accroître la crédibilité de l'entreprise et garder les concurrents à l'écart. En partie, c'est pour récompenser les employés qui ont travaillé pour un salaire pendant qu'ils regardaient leurs collègues d'autres compagnies travailler pour s'enrichir. Est ce que les services offerts par l'entreprise, ou ses bureaux privés, ou son terrain de golf poserait un problème pour une société côtée en bourse? Aucunement, répond Goodnight. "Introduire la société en bourse ne changera pas la manière dont la société opère. Je ne le ferais pas si je pensais celà." Jusqu'à maintenant, SAS n'à presque jamais été distraite par le marketing. En dehors de sa base de clients, la compagnie est quasiment inconnue du grand public [NDLR : sauf pour ceux qui écoutent la minute bourse sur France info, sponsorisée par SAS Institute]. C'est en partie parce que, en tant que compagnie privée dans un monde omnubilé par les opportunités d'investissement, SAS a semblé hors propos. Mais sa faible renommée répond également à un choix délibéré: Goodnight veut que sa compagnie soit connue pour ses standards de programmation, et non pour ses commerciaux. Et en connaissant ce standard, et les clients de ce standard, et les créateurs de ce standard, Goodnight a créé un business modèle [NDLR : "model business" dans le texte et non "business model"]. "Regardez les très bons 'business people'" dit John Ladley, un analyste du META Group, qui suit la compagnie. La plupart des employés vivent dans un monde de "FUD -- Fear, Uncertainty, and Doubt." Tous les trois sont absents chez SAS. Goodnight a "un turnover faible, des employés heureux, un bon cash flow, et un bilan d'activité très positif. Les principes requis pour accomplir ce que SAS a accompli ne sont pas répandus dans le monde des affaires d'ajourd'hui. Mais SAS les a tous: patience, travail acharné, vision, concentration, honnêteté, et loyauté." Plus 22,5 tonnes de M&Ms par an. Article de Charles Fishman. Pour en savoir plus, vous pouvez visiter le site de SAS Institute inc. (www.sas.com). |
Si vous voulez lire l'article opposé (en VO, j'ai pas le temps de tout vous traduire!), c'est ici: article "Danger: Toxic Company".